Artiste textile, figure « locale » bien connue et pourtant trop discrète, Dani Tambour travaille depuis de nombreuses années sur le thème du grenier, greniers de grand-mères où l’on entre sur la pointe des pieds, dédales de souvenirs où l’on se perd, réservoir de toutes les curiosités. En Afrique, où elle a passé les premières années de sa vie, elle n’avait pas de grenier. De retour en Belgique, elle vit dans une maison avec un grand grenier vide, sans ces « Trésors imaginés d’un grenier imaginaire » qui initieront l’inventaire de son travail (couture, broderie, installations…) et de ses séries: « Les sièges », « Les napperons, écritures et autres dentelles », « Les poupées », « Herbier », « Les parures », « Le temps des roses », « Laines bouillies » — et autres lambeaux admirables.

« Précarité des choses, béance de l’absence, nostalgie: c’est sur ce terreau que poussent les fleurs fragiles de la vie et de la poésie dans l’œuvre de Dani Tambour. Proust partait, dans ses romans, à la recherche du Temps Perdu. Dani, par ses broderies, accomplit le même voyage. Comment ramener à la surface, à la vie, une réalité disparue, parfois même inexistante (le grenier qu’elle n’a jamais eu et auquel elle rêvait). Comme elle le dit en se rétractant devant les questions qu’on lui pose : 'Moi, je ne sais pas philosopher, je cherche juste à créer mon grenier.' Mais que trouve-t-on dans un grenier ? Les traces de vies antérieures, d’êtres disparus – vieux meubles, vêtements, ornements, photos, vieux livres, ou même lettres parfois. C’est l’endroit où peut couver l’imaginaire, où l’on peut recréer un réel poétisé. Ainsi va-t-elle, par le lent parcours des points de broderie, recréer des sièges et des coussins, repeindre, ligaturer et festonner des paires de gants. Parfois aussi, ouvrant un livre, elle rebrode des passages littéraires qu’elle peut très bien associer à des phrases évoquant ses propres souvenirs (« Boire du thé de la lune », « Mon édredon rouge »). » (Juliette Rousseff)

Travaillant également à partir de photos anciennes, d’objets-fétiches, témoins d’un passé réel ou inventé, Dani rehausse par la peinture, relie par le fil, assemble par le coton des matières, des couleurs, des bribes de récit — broderies délicates à la bordure du cœur. C’est tout cet univers, par petites touches, que l’on retrouve tant dans son installation intime d’ex-voto à la chapelle de Manloup, que dans le dialogue que son travail installe avec la céramique, dans l’atelier de Marie Beaudry.

Dani vit toujours dans une maison sans grenier.

https://danitambour.be

Yannick Cormier est né en 1975 en France. En 1999, il rejoint le studio Astre à Paris; il travaille alors comme assistant de Patrick Swirc, William Klein et bien d’autres pour des magazines tels que Vogue, Flair, Elle, Vanity Fair. Il a ensuite entamé une carrière de photographe documentaire pour divers magazines internationaux (OjodePez, Courrier international, Libération, The Sunday Guardian, Le Nouvel Observateur, The Hindu, CNN...). Au printemps 2018, il s’installe en France, après 15 ans passés en Inde. En 2021, il publie les livres Tierra Magica aux Éditions Light Motiv et Dravidian Catharsis aux Éditions Le Mulet.

Le photographe cherche à révéler les formes de résistance de l’identité culturelle dans des sociétés traditionnelles ou des communautés plus étroites, pas encore complètement anesthésiées par le monde moderne et consumériste. Ses images tentent de rendre visibles les dispositions mythiques de ces groupes mais, plus que les mythes, elles soulignent le jeu avec les symboles, au sein d’une culture qui est à l’aise avec ses traditions et qui peut donc faire preuve d’autodérision. Ses photographies évoquent le spirituel et le matériel, la fiction et la réalité, la tradition et la modernité, comme autant de traces de voyages, de rituels sociaux, de cérémonies religieuses, de fantasmes culturels, de rêves personnels et de tout ce qui, sacré ou ordinaire, façonne l’identité et l’apparence.

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